Le débat actuel sur le rattachement à la Bretagne

 "Ces derniers mois, qu’est-ce qui a bloqué : « les bretons » !" Au pays d'Astérix et Obélix, où notre rendez-vous au Conseil régional était accompagné d'une "manif", une vraie, on ne s'attendait pas à moins, mais quand même...Dans sa fougue et tout encore pris par la déception de la non-fusion de régions Bretagne et Pays de la Loire en décembre 2014, Gildas Guguen, Conseiller régional socialiste ligérien, ne décolère pas et reprend des allures de tribun.  "Ici, dans les Pays de la Loire, tout le monde était pour une région "Grand-Ouest". Cela n’aurait historiquement et géographiquement parlant pas été complètement absurde. Le Val de Loire où se trouve tous les châteaux de la Renaissance de François 1er, roi de France et époux de Claude de Bretagne, est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais grâce à Jean-Yves Le Drihan, Président du Conseil régional de Bretagne, Ministre de la Défense et ami intime de François Hollande, ils ont réussi à rester « seuls »!". Et de conclure, avec une pointe de condescendance : " Ils ont une vision historique très forte. Du coup, ils veulent bien de la Loire Atlantique, qui pourrait rejoindre la Bretagne par référendum d'ici 2019, mais pas de la Vendée, de la Sarthe etc…".


Les avantages du rattachement

Dans le cadre d’un éventuel rattachement du département Loire Atlantique à la région Bretagne, les avantages sont vites trouvés. Trois éléments amélioreraient la situation identitaire, culturelle et économique de l’ensemble ainsi formé.


La Bretagne se distingue de par son identité régionale (symboles, musique, danse et surtout la langue). Jean-Christophe Cassard, historien aujourd’hui décédé, objectait il y a quelques années que «Les Nantais se sont toujours sentis nantais, c’est la seule grande ville de l'Ouest ».

Les bretons de Loire-Atlantique souffrent cependant d’un complexe d’infériorité à cause de la partition et du dynamisme identitaire de la Bretagne. La fondation d’une région à l’identité unifiée résoudrait le problème et constituerait un bon début. En outre l’économie pourrait profiter d’une fusion des départements.

En ce qui concerne les avantages culturels ce serait l'occasion pour la Bretagne de récupérer une partie de son patrimoine culturel, à commencer par le Château des ducs de Bretagne qui se trouve à Nantes. Rennes et Nantes pourraient redevenir les deux capitales de la Bretagne, l'une s'occupant de l'aspect administratif, l'autre de l'aspect économique de la région, ce qui affirme Jean-François Le Bihan, président de Bretagne réunie, serait idéal.


Plusieurs des vertus économiques des 5 départements bretons sont visibles à l’œil nu: Brest pourrait développer son activité maritime, Vannes deviendrait la capitale culturelle. En somme, chacune des villes se verrait chargée d'un rôle défini. Sur le plan des exportations, les entreprises pourraient utiliser l’image de la Bretagne qui est bien identifiée en Europe. Les «Produits en Bretagne», première marque régionale collective obtiennent un très fort taux de notoriété. Autres chiffres clefs : 49% des consommateurs non bretons connaissent les produits bretons et sont convaincus par eux.

Le tourisme ou l’agriculture pourraient aussi en profiter car la région Bretagne est désignée dans plusieurs guides comme « merveilleuse, verte, maritime ou culturelle ». L’argument le plus important est qu’avec une taille et un BIP comparable aux grandes régions de l’Union européenne, le nouveau regroupement pourrait gagner en importance sur cette même scène.

 Les inconvénients

D’un autre côté, de nombreux problèmes s’opposent aux avantages. Aux problèmes économiques suivent les enjeux de la réorganisation administrative.

D’un côté l’économie profiterait du rattachement, d’un autre côté elle perdra plus qu’elle gagnera. La partition de 1941 a amputé plus d’un tiers du PIB de la Bretagne. Actuellement la Loire Atlantique compte pour 40% du PIB du pays de la Loire. Dans ce contexte, il est compréhensible que la région Pays de la Loire ne veuille pas perdre « sa poule aux œufs d’or». "Quelqu’un de mon âge, dans la cinquantaine, il est né dans la Région « Pays de la Loire » et il n’a jamais connu autre chose. Bon an, mal an, une certaine identité s’y est quand même développée. Surtout, si vous enlevez la Loire Atlantique, la région perdra plus du tiers de ses habitants (1,3 millions sur 3,6 millions). Il ne restera plus rien car Nantes est le poumon démographique et économique des Pays de la Loire", confirme Gildas Guguen.

 

A cette situation d’infortune s’ajouterait le désordre de la réoganisation administrative.

En cas de transfert de la Loire-Atlantique en Bretagne, Nantes se verrait privée de son statut de capitale des Pays-de-la-Loire. La ville y perdrait en aura et en emplois. Plein de questions devraient avoir une réponse. « Quelle sera la capitale de la Bretagne ? » ou encore « Où seront prises les décisions économiques ? » et enfin, « l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes devenu breton sera-t-il encore d’actualité après cette réunification ?

 

Un référendum pour trancher ?

La question du rattachement de la Loire-Atlantique à la région Bretagne est une question qui anime le débat public depuis... toujours en fait et qui est alors maintenant relancé.

 

"Moi personnellement, poursuit Gildas Guguen, je n’ai pas de problème à ce que la Loire Atlantique retourne en Bretagne. Là où je ne suis pas d’accord, c’est quand les Bretons disent : « il faut faire un référendum » !. Oui, mais sur quel périmètre ??? Dans tout ce débat, les autres départements ne sont jamais interrogés. Certes, suivant les sondages, plus de 50% des habitants de la Loire Atlantique seraient favorables à un rattachement à la Bretagne. Mais c’est facile de faire un référendum où on est majoritaire. Et les autres ? S’il faut faire un référendum, il faut le faire dans les 9 départements concernés, ceux qui y gagneraient et ceux qui y perdraient".

 

Les années 1970 ont vu la naissance de plusieurs associations très actives militant pour le retour à la Bretagne de la Loire-Atlantique. Deux groupements sont particulièrement actifs. Le Comité pour l’unité administrative de la Bretagne (généralement désigné sous son sigle CUAB) est, sous sa nouvelle dénomination de « Bretagne Réunie », aujourd'hui encore l'acteur autour duquel s'ordonne ce combat. Le but de l’association est la reconnaissance comme collectivité territoriale de la région Bretagne, formée des départements actuels des Côtes d’Armor, du Finistère, de l’Ile et Vilaine, de la Loire-Atlantique et du Morbihan. Tout cela est instruit par Jean-Francois Le Bihan, président de l’organisation.

Les Bonnets rouges, bretons bretonisants, partagent le même but. La seule différence est que les Bonnets rouges appartiennent à un mouvement économique d’entrepreneurs libéraux. Ils se prononcent pour une réunification de la Loire atlantique à cause des avantages économiques en vue.

Ces deux associations montrent bien que la discussion autour du rattachement de la Loire Atlantique à la Bretagne est diverse et se déroule sur différentes scènes.

Edith Geslin et Laurent Gauchot de Ouest-France, en ont pris acte mais soupirent quand même un peu : "Le lobby breton a peur de ne plus être majoritaire sur son territoire. Mais cela est dommage, car du coup, nous sommes les seules régions qui soient restées en l’état avec la réforme territoriale. Du coup, en terme de nombre d’habitants, les Pays de la Loire, qui connaissent pourtant une croissance exceptionnelle en la matière, vont se retrouver en 8ème position, et notre PIB reste égal. Le poids de la région diminue donc relativement par rapport aux autres."

 

Jana Schenck et Corinna Meyer