Nantes est-elle vraiment bretonne?

C'en est fait. Alors que depuis des mois, des décennies, la question du rattachement de Nantes à la Région Bretagne était régulièrement discutée, la loi de décembre 2014 sur le redécoupage territorial de l'hexagone a tranché. Non. La région Pays de la Loire et donc Nantes ne fusionneront pas avec la Bretagne! Au grand dam des bretonisants purs et durs qui étaient des milliers à manifester il y a peu encore. Et qui certainement ne s'en repriveront pas, quand, le 1er janvier 2016 la réforme entrera en vigueur, ouvrant par la même la possibilité aux départements de changer de camp par référendum d'ici 2019... Mais, n'en déplaise aux militants, Nantes est-elle vraiment bretonne en fait ?

 

"Dans les têtes, le débat n'est pas encore fini" explique d'emblée Laurent Gauchot, responsable adjoint du service Région du journal Ouest-France. Tout en nous laissant dans l'incertitude la plus totale... "Nantes n'est pas bretonne, mais aussi bretonne. C'est une ville cosmopolite avec une culture mélée", poursuit ainsi sa collègue Edith Gueslin! C'est-à-dire ? "Oui et non, quand cela nous arrange" renchérit narquoise, Brigitte Château, guide conférencière municipale.

 

Pour y voir plus clair, petits détours par l'histoire, la langue et l'économie.

La dimension historique et politique :

Lors de la création de la Bretagne, en 851, le « pays » de Nantes fait partie du Royaume puis du Duché de Bretagne. La ville partage alors le statut de capitale avec la ville de Rennes – Rennes est la capitale administrative, Nantes est une des résidences les plus prisée des Ducs de Bretagne, avec un château, qui aujourd'hui encore est une des "curiosités" touristiques les plus importantes de la ville et à la cime duquel flotte le drapeau nantais, mi-ligérien et mi-breton...

 

En août 1532, après des années de lutte contre la France, la Bretagne abandonne la partie et le Traité d'Union de la Bretagne à la France lie de manière « perpétuelle » le duché de Bretagne au Royaume de France suite au mariage de François 1er avec Claude de Bretagne. Ce Traité est signé à Nantes, cité où était née Anne de Bretagne, la mère de Claude et haute figure de l’indépendantisme breton.

Pendant la révolution 1789/1790, les régions historiques de la France sont supprimées et éclatées en départements. L'ancien Pays Nantais devient « Loire inférieure » et peu après « Loire Atlantique ». Les cinq nouveaux départements qui composent «l’ancienne» Bretagne n’ont plus de liens administratifs entre eux. Nantes servira alors de tête de pont aux Républicains dans leur lutte contre les monarchistes catholiques de Bretagne et de Vendée (et de leurs alliés anglais).

Les décennies suivantes, leurs destinées, notamment économiques vont se développer de manière plus ou moins divergentes, ce qui se concrétisera au début du XXième siècle par la création de « groupements économiques régionaux » centrés l’un sur Rennes, l’autre sur Nantes et son arrière pays (le Val de Loire à l’Est et la Vendée au Sud).

Quand en 1941, désireux de faire revivre les régions de France, le Maréchal Pétain et le régime de Vichy créeront des « Préfets régionaux » c’est sur la base de ces découpages économiques qu’ils s’appuieront pour redessiner leur carte territoriale. Dès lors, la « Région d’Angers » (dont fait partie Nantes) sera définitivement détachée de celle de « Rennes »… et le restera."Le Maréchal Pétain ne voulait pas d'un monstre politique et économique breton qui aurait fait concurrence à Paris", explique Gildas Guguen, Conseiller Régional socialiste. Et de poursuivre : "Par la suite, cela a continué. Toutes les réformes qui ont suivi (1956 : création des entités d’intérêt économique régional ; 1972 : création des établissements publics régionaux…) ont visé à trouver un équilibre entre région économique et identité, avec pour toile de fond l’idée qu’il ne fallait pas des régions trop puissantes par rapport à Paris, mais un équilibre des pouvoirs".

 

L'héritage linguistique et culturel

 

Du point de vue linguistique, Nantes

n'a pas les mêmes racines que la Bretagne. On n’y a jamais parlé breton mais le gallo qui est un dialecte issu du français et n’a rien à voir avec le breton celtique. Donc la langue parlée à Nantes n'a jamais été le breton même si au fil des ans, des immigrés de la Basse-Bretagne venus travailler à Nantes l’y ont fait entrer.

 

Aujourd'hui, on peut cependant observer un mouvement de réintégration du breton à Nantes, surtout avec la signature de la charte « oui à la langue bretonne » qui implique des actions en faveur du breton : développement de l'enseignement bilingue, des panneaux bilingues en villes, des cérémonies de mariage dans les deux langues.

En ce qui concerne la culture bretonne, Nantes s'engage aujourd'hui à soutenir les événements qui encouragent le maintien et la diffusion de la culture bretonne comme des spectacles de théâtre pour les jeunes, la musique et la danse.

Du point de vue linguistique/culturel, l'histoire de Nantes s'est développée en dehors de la Bretagne. Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est le fait que Nantes se tourne vers son ancienne région historique et essaie d’intégrer les éléments linguistiques et culturels bretons, tant leur valeur identitaire est forte. Ce qui fait dire à Edith Gueslin de Ouest-France : "La présence culturelle bretonne existe et est surtout un élément marketing puissant".

L'aspect de l'économie

Comme nous l’avons vu plus haut, économiquement parlant, Nantes n’est plus depuis longtemps intimement liée à la Bretagne.

A cet égard, il est intéressant de constater que le mouvement de renouveau breton dit des « bonnets rouges » (en référence à un mouvement de révolte antifiscale sous l’Ancien régime, tout comme aujourd’hui d’ailleurs) a peu d’adeptes à Nantes mais surtout dans les départements bretons du Finistère, des Côtes d’Armor et du Morbihan.

 

Ville bourgeoise, plutôt riche avec une population et une économique en hausse constante, Nantes prospère. Grâce à son ouverture vers la mer avec son grand port maritime Saint-Nazaire, Nantes regarde ailleurs. Ce qui ne manque d'alimenter La discussion actuelle sur le rattachement de Nantes à la Bretagne.

 

Jana Schenck et Corinna Meyer