Notre-Dame-des-Landes: L'Aéroport «Grand Ouest» et les zadistes

« Quand les recours seront épuisés, le projet Notre-Dame-des-Landes sera lancé ».
 Début janvier 2015, c’est par ces mots qui se voulaient respectueux de la volonté populaire mais fermes que François Hollande, Président de la République, tentait de clore le débat qui agite le bocage nantais depuis des années… Or, quelques mois plus tard, si certains recours ont bel et bien été rejetés par les tribunaux donnant raison aux promoteurs publics du nouvel aéroport nantais dit « NDL », d’autres ont été déposés avec succès... La guérilla juridique continue, tout comme les occupations de terrain par les Zadistes et le projet est donc toujours à l’arrêt. But recherché.

A 30 kms au nord-ouest de Nantes, dans la commune de Notre-Dame-des-Landes, cela fait plus de 50 ans en effet qu’on prépare la construction de ce nouvel aéroport appelé Grand Ouest ! Permettant des vols transatlantiques pour New York, il devrait remplacer l’actuel aéroport Nantes Atlantique situé à quelques encablures du centre ville. Mais le terrain prévu pour la construction de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, en plein bocage nantais, recouvre des petites communes rurales, des écosystèmes, des réserves naturelles, des bois et prairies qui seraient détruites si la construction était réalisée. D’où son rejet par les populations locales, mais pas que.

 

La construction avait déjà été envisagée en1963, faisant alors partie du projet «métropole d'équilibre». Son objectif était de faire un contrepoids à la centralisation parisienne dans le cadre de l'aménagement territorial de la France. Pour ce faire, il était nécessaire que d'autres villes gagnent en importance, dont l'ensemble Nantes-Saint-Nazaire.

«C'était un projet parisien intimement lié au Concorde et à la nécessité de désengorger Paris de son trafic aérien. L'Etat a donc acheté des terrains au nord de Nantes qui ont été zadés», explique Gildas Guguen, Conseiller Régional du parti socialiste. De plus, «il y a 40 ans, Notre-Dame-des-Landes portait bien son nom, car effectivement, ses terres n'étaient que des landes, peu propices à l'agriclture», poursuit-il. Il faut alors se rendre compte qu'en ce temps là les terrains concernés ne représentaient pas encore un point litigieux puisqu'ils «avaient une autre valeur. Mais aujourd'hui ils sont supberbes et tout un écosystème s'est redéveloppé,» confirment Edith Geslin et Laurent Gauchot responsables du service «Région» au journal Ouest-France.

En 1974, le projet a été inscrit dans le plan d'urbanisme mais à cause des crises pétrolières qui ont suivi il a été abandonné pendant plusieurs années. A partir des années 2000, il a été repris sous la direction de Jean-Marc Ayrault, alors député-maire de Nantes avant de devenir Premier Ministre en 2012. Le décret d'utilité publique n’a cependant été publié qu’en 2008. Dans ce cadre, les travaux routiers devaient commencer en 2013, ceux de l'aéroport en 2014 et sa mise en service fin 2017. On en est loin !

 

Pour et contre à égalité

Etant donné que la réalisation du projet a des conséquences sur l'environnement et la nature et compte tenu du fait que son utilité et son profit économique restent douteux, le débat public entre ses partisans et ses opposants est vif. Et la situation sur le terrain bloquée.

«A part les écolos, dans la région, tout le monde est 'pour' surtout les socialistes car l'aéroport relève de leur vieille vision productiviste de l'économie. Même si certes à l'origine, c'était un projet de l'Etat, depuis, les socialistes de la region l'ont repris à leur compte», clarifient les journalistes de Ouest-France.

Selon les défenseurs du nouveau projet, l'aéroport Nantes Atlantique actuel risque de franchir son seuil de saturation. Ayant accueilli déjà plus de 3 millions de passagers en 2010, le maximum qui est fixé à 4 millions par an, pourrait être bientôt atteint. De plus, en envisageant d'élargir Nantes Atlantique avec la construction d'une deuxième piste on se verrait confronté à des difficultés presque insurmontables, l'aéroport étant situé entre une réserve naturelle et le centre-ville de Nantes. En outre, les Nantais sont dérangés par des nuisances sonores puisque la moitié des atterrissages survolent des zones habitées à moins de 500 m d'altitude. La trajectoire des avions passe par ailleurs directement au-dessus des communes, donc une extension de l’aéroport actuel aggraverait encore les désagréments tandis que «Grand Ouest» serait situé à 30 km au nord de Nantes. Par conséquent, les nuisances pour les habitants seraient considérablement limitées. Enfin, le nouvel aéroport favoriserait le développement économique de la région par un désenclavement de la façade Ouest Européenne et une ouverture à l'international permettant des voyages plus faciles ainsi que la création de nombreux emplois.

 

En revanche, les détracteurs sont d'avis qu'un nouvel aéroport est inutile et justifient leur point de vue d'abord par le fait qu'il y a d'autres aéroports qui accueillent beaucoup plus de passagers bien qu'ils ne comportent aussi qu'une seule piste. De surcroît, le carburant va coûter de plus en plus cher compte tenu de la crise économique, ce qui aura pour conséquence un déclin du transport aérien international dans les prochaines années si l’on en croit des analystes. Les aéroports déjà existant en Bretagne et Pays de la Loire vont donc suffire, d'autant plus qu'il y a la future LGV grâce à laquelle les villes autour de l'aéroport seront reliées à Paris. On s'aperçoit alors d'une concurrence entre cette ligne et le futur aéroport parce que beaucoup de gens iraient en train à Paris pour y prendre alors les avions longue distance. Par ailleurs, les opposants sont convaincus qu'il est possible de modifier la trajectoire afin d'éviter le survol de Nantes et de limiter les nuisances sonores. Mais cette possibilité ne serait pas évoquée pour inciter le grand public à être favorable à Notre-Dame-des-Landes.

Enfin, se référant à une étude réalisée par un cabinet européen indépendant qui a comparé les coûts de l'extension de Nantes Atlantique et ceux de la construction de NDL, les opposants au projet ont trouvé des analyses économiques partiales et pas assez fondées ainsi que des manipulations de chiffres...

 

Zad et «zadistes»

Au sens premier du terme, l'acronyme ZAD utilisé dans le contexte de l'urbanisme désigne une «zone d'aménagement différé». Une ZAD est constituée dans le cadre d'un projet urbain et indique un secteur où un organisme public dispose d'un droit de préemption sur les biens immobilier et les droits sociaux mis en vente. Les ZAD ont été créées par une loi en 1962 pour éviter que les prix des terrains augmentent, donc la spéculation, lors de l'annonce d'un projet. Dans le cas de Notre-Dame-des-Landes, les concessionnaires responsables du projet, essentiellement le groupe VINCI, leader dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, ont donc la priorité dans l'acquisition des terrains dont ils ont besoin pour la réalisation de leur programme.

 

Récemment, la résistance des opposants à l'aéroport Notre-Dame-des-Landes a donné naissance a une nouvelle définition du terme. L'abréviation maintenant transformée en «zone à défendre» est appliquée aux terrains qui risquent d'être détruits lors de la construction de l'aéroport. Au fur et à mesure, le mot «zadiste», dérivation de ZAD, s’est fait connaître qualifiant désormais les détracteurs du projet qui ont investi le site et se sont, en 2012, violemment affrontés aux forces de l’ordre.

«Le terrain est vraiment devenu dangereux puisque les zadistes, dont 150 occupent de manière permanente la zone, et les agriculteurs locaux sont très motivés et n'acceptent en aucun cas que les travaux de construction commencent», assure le Conseiller Régional. Même si le débat judiciare trouvait une fin, il resterait pourtant des obstacles qui vont compliquer ou retarder les chantiers. Il faudrait déménager des espèces protégées et déloger tous les zadistes. «Très certainement, ceux-ci vont continuer à défendre ardemment leur territoire de sorte qu'une évacuation de Notre-Dame-des-Landes consisterait obligatoirement à enclencher un processus violent», comme le présume Gildas Guguen. «On est dans la croyance, plus dans la raison», ajoute-t-il. «Si demain on y envoyait le militaire ou la police, il y aurait des morts», admet également Laurent Gauchot.

Installés en campement, vivant en autonomie grâce à une organisation logistique Ils ont développé un mode de vie alternatif. Mais pas fleur bleue, car, à la pointe de la contestation active, ils maîtrisent leur communication avec les médias et celle des réseaux sociaux. Cette nouvelle forme de protestation a tellement marqué l’opinion publique que les termes zadiste et ZAD se sont intégrés dans le langage courant pour désigner plus généralement ces militants qui s'opposent à de tels projets, comme c’ est le cas au barrage de Sivens, au Center Parc de Roybons ou pour le Grand stade de l'olympique lyonnais. Partant de ce fait, Notre-Dame-des-Landes peut véritablement être considérée comme le symbole même, la «mère» de nombreuses autres contestations semblables.

Mais selon Gildas Guguen, Notre-Dame-des-Landes est également une belle illustration des points faibles et de l'inefficacité de la démocratie représentative parce qu'on se trouve face à un arrêt du projet et donc à un échec collectif. «Depuis des années on n'arrive pas au bout et les débats ne produisent rien», relate-t-il. «Aujourd'hui, la situation ressemble plutôt à une guerre de religion qui masque une querelle sur la légitimité politique des décisions prises», concluent Edith Geslin et Laurent Gauchot.

Des origines diverses

Il n'est pas assez facile de se faire une idée claire de ce que sont les zadistes. «L'opposition à Notre-Dame-des-Landes est très forte et a cristallisé des gens d'horizons très différents», rapportent les journalistes. Ces contestataires souhaitent garder l'anonymat en prétendant s'appeler Camille, un prénom qui sied aux femmes comme aux hommes. Néanmoins, on leur reconnaît un point commun évident. Ils se considèrent tous écologistes et ne supportent pas le traitement irresponsable fait à l'environnement et aux richesses de la terre. De plus, ils préfèrent vivre en autonomie alimentaire et dénoncent le mode de consommation excessive de nos sociétés développées. Ce mouvement social se compose notamment de jeunes qui n'ont pas d'attaches familiales, sont très mobiles et disponibles. Certains viennent de l’écologie, des mouvements altermondialistes plus radicaux, d’autre de nulle part. On trouve aussi dans ces « nouveaux mouvements » des agriculteurs directement concernés par le projet, des Monsieur Tout le Monde indignés, et aussi… des émeutiers qui se mêlent à la foule quand il s’agit de s’opposer aux forces de l’ordre. Compte tenu de la très grande disparité socioéconomique et politique de ces contestataires et du fait qu'il s'agit de mouvements spontanés organisés en dehors des syndicats et partis politiques établis, les pouvoirs publics sont relativement désemparés à leur égard. Avec qui donc négocier dans une telle mouvance ?

 

Christian Schleicher