Nouveaux nantais et fiers de l'être

« Le paradis sur terre », « L’Eden de l'ouest », « La capitale verte de l'Europe en 2013 » … autant de dénominations dont les habitants de Nantes semblent affubler leur ville régulièrement… Mais qu'en est-il en fait vraiment de cette ville? Qui sont ces environ 290.000 Nantais? Sont-ils effectivement heureux de l'être? Le sont-ils par naissance ou bien par acquisition volontaire?

Ci-dessous, un petit survol de la sociologie des habitants de la capitale des Pays de la Loire qui devrait permettre à nos lecteurs d’y voir plus clair.

 

Avec ses 291604 habitants, la ville de Nantes se situe actuellement au sixième rang des villes les plus peuplées de France, et ce, après Nice et Strasbourg. En 2012, il y avait un excédent de 1886 naissances (3964) sur les décès (2078). Le développement démographique n'augmente que très peu dans la ville elle-même, mais bien plus fortement si l’on considère l'aire urbaine. Au total, la population de Nantes s'élève à 873133 habitants, y compris l'aire urbaine

Du fait de ces atouts géographiques, économiques et sociaux, Nantes décompte environ 8000 nouveaux habitants par an dont près de la moitié vient de la capitale de l'hexagone. "La municipalité a tout fait et fait toujours énormément pour qu'on s'y sente bien en misant sur les services, les transports en commun et la culture" expliquent Edith Geslin et Laurent Gauchot du journal Ouest-France.

 

Des actifs dans la fleur de l’âge

Depuis l'arrivé du TGV à Nantes en 1989, les parisiens fuient de plus en plus l'atmosphère stressée de la capitale pour s'installer dans une région plus tranquille. Mais toujours à une distance modeste de la capitale, soit à deux heures en train de Paris.

Il y a également un certain nombre d'étrangers dont quatre sur dix viennent du Maghreb, deux sur dix de l'Union Européenne et un sur dix de Turquie. D’après les statistiques et enquêtes menées jusqu’à présent, la plupart d’entre eux sont de sexe masculin, en âge d’activité, soit viennent à Nantes parce qu’ils recherchent du travail.

À Nantes ce sont les enfants et les jeunes (0 à 29 ans) qui forment le plus grand groupe de la population ce qui s'explique par le fait que beaucoup de jeunes viennent s'installer dans la capitale des Pays de la Loire pour leurs études ou bien pour un premier boulot. Il y a également un grand pourcentage de personnes entre 30 et 44 ans. Soit des actifs, dans la « fleur de l’âge » comprenez en milieu de vie, avec ou sans enfants.

Plus les gens sont âgés cependant, moins ils restent à Nantes (voir graphe 1).

Il en va de même si l’on considère les types de familles : Presque la moitié des couples habitant en centre ville reste sans enfants (voir graphe 2).

Ceux qui ont des enfants, en ont généralement un ou deux mais très rarement plus de trois (voir graphe 3). Au delà, ils partent à la périphérie.

Du coup, et pour éviter que le centre se vide de ses « forces vives », Nantes essaie de plus en plus de devenir une ville pour petits et grands, par exemple en multipliant les offres de garde des enfants.

La gentrification du centre

Quand on parle de l’évolution démographique de Nantes, force est donc de constater que comme partout ailleurs ou presque, il faut parler d’un phénomène urbain d'embourgeoisement qu'on appelle la gentrification. Ce terme désigne la transformation d'un quartier au niveau économique et social qui ne profite qu’à une seule couche sociale supérieure. Les bobos (raccourci pour parler des bourgeois bohèmes) achètent de jolis lofts luxueux, des appartements grands et beaux, qui ne sont pas chers à cause du fait qu'ils sont situés originellement dans de vieux quartiers délabrés. Arrivant en masse pour profiter de bas prix tout en rénovant un grand nombre de logements, ils chassent les anciens habitants, qui, plus pauvres sont obligés d'aller vivre à la périphérie ou même dans la banlieue à cause de l'augmentation des prix locaux. Ainsi des quartiers entiers peuvent être transformés par une vague de migration. Malheureusement ce ne sont que ceux qui étaient déjà en possession d’argent qui en profitent.

"Certes, il y a encore de la mixité sociale, mais la gentrification du centre ville est en marche. Depuis une dizaine d’année, on la voit fonctionner à plein. Nantes est devenue une des villes les plus chères de France. Du coup, quand une personne âgée du centre ville décède, le ticket d’entrée est tellement élevé qu’on ne voit plus arriver que des chercheurs parisiens. La population augmente dans l’agglomération mais plus dans la ville elle même" confirment les journalistes locaux.


Dans ce contexte, similaire s’agissant de toutes les grandes métropoles régionales et nationales, Nantes a pris une mesure qui a pour but de limiter l'influence des mouvement populaires à la fois destructifs et constructifs, et ce, en concevant des programmes de soutien qui devraient aider les gens modestes à requalifier leur bâti. Ainsi, dans les années 2000, plusieurs opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) se sont chargées de la tâche de maintenir une ville « mixte », représentant la diversité socio-économique nantaise.

 

Le chômage et l'emploi à Nantes

Pour autant, Nantes n'est pas épargné par tous les maux, notamment le chômage. Le taux de chômage est de 8,4 % et encore plus haut pour les jeunes de 15 à 24 ans. 24,2 % d'entre eux ne trouvent pas d'emploi, ce qui est un pourcentage équivalent à la moyenne des grandes villes françaises.

Nantes est quand même la quatrième ville de France pour la croissance en terme d’emplois.

 

À partir du 19ième siècle la ville a été caractérisée par les industries de main-d'oeuvre, mais depuis la deuxième moitié de du 20ième siècle, l'ancienne ville ouvrière et industrielle a commencé à changer d'aspect : Grâce à la mondialisation croissante et surtout au développement du secteur des transports, la ville a pu développer un très fort secteur tertiaire. Dans ce contexte, beaucoup d'usines ont été obligées de changer leur offre et leur spécialisation et ont été restructurées. Ainsi, le secteur des services s'est stabilisé et établi économiquement, surtout depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

De plus, c'est la politique de décentralisation parisienne menée depuis les années 1980 qui a rendu service à la ville de Nantes. Celle-ci a pu créer beaucoup d'emplois en agrandissant son secteur administratif. Entre 1976 et 1980, ce changement a eu lieu avec l'installation du conservatoire de musique, l'hôtel de région, la poste, la sécurité scolaire et l'administration des impôts, pour en nommer quelques exemples. En outre, le développement et la réorganisation des infrastructures de transport dont principalement l'arrivé du TGV ont offert un meilleur lien avec la capitale française. Par conséquent beaucoup d'entreprises parisiennes ont profité de la proximité ainsi que des prix avantageux de l'immobilier pour déménager leur administration à Nantes.

Ce qui reste une spécificité nantaise, c'est le fait que beaucoup de professions sont liés au commerce de gros et entre les entreprises. Nantes est la première ville en matière de négoce du bois, possède le deuxième plus gros marché d'intérêt national (MIN) et héberge plusieurs centrales d'achat de grandes entreprises dont par exemple Décathlon.

Malgré tout, le secteur le plus important est celui des banques. Ayant développé très fortement ce domaine, Nantes offre beaucoup d'emplois aux ingénieurs, avocats et cadres de la banque et du commerce.

 

L'éducation : maintien de la tradition culturelle locale

À l'image de la population française, les Nantais ont un niveau scolaire de plus en plus élevé. Malgré sa déclaration publique d'attachement à la laïcité, la ville de Nantes est loin d’être une exception en ce qui concerne la guerre scolaire. Plus qu’ailleurs en France – tradition catholique « bretonne » et « vendéenne » oblige - le combat entre les écoles de la République et les écoles religieuses, catholiques, privées y est présent. Le grand nombre d'écoles privées ne peut en effet s’expliquer qu’avec l'aide de l'histoire.

À la fin du second empire Nantes ne comptait qu'une seule école publique pour les garçons, il n'y en avait aucune pour les filles (et pour cause, elles ne valaient bien sûr « rien »). Entre 1871 et 1880 des maires républicains « indépendants » ont alors financé la construction de plusieurs nouvelles écoles publiques. Tandis que l'école privée pouvait garder son monopole dans la campagne, les « publiques » ont réussi à accueillir jusqu'à 60 % des élèves en 1880. A partir de la loi de 1881 sur l’école «publique, obligatoire et laïque », la construction d’écoles publiques s'est alors réalisée régulièrement à Nantes, mais comme les écoles religieuses pouvaient compter sur l'appui constant de l'Eglise, de la droite locale ainsi que d’associations de parents des élèves, elles ont pu garder une influence importante. En 1965, André Morice, à la tête d'un groupe de socialistes, radicaux et indépendants (donc a priori « anti-cléricaux »), s'est même fait l'auteur d'un « pacte secret », contrat entre la municipalité et les écoles privées, pour leur assurer un meilleur financement.

Mais quelle est donc la situation actuelle des écoles privées ? Sont-elles toujours bien fréquentées ou bien cherchent-elles plutôt à justifier leur existence ?

À Nantes, il y a deux fois plus d'écoles publiques dédiées à l'éducation primaire que d'écoles religieuses. Bien que ce taux soit inférieur à la moyenne départementale, les écoles privées, représentées partout dans la ville, dans tous les quartiers, jouent un rôle très important vu que 30,3 % des élèves sont scolarisés dans une école privée, ce qui est le taux le plus élevé des plus grandes villes de l'hexagone.

Pour l'enseignement secondaire ce chiffre est encore plus élevé. Lors du développement de la scolarisation dans les années 1960, les écoles privées ont eu beaucoup de succès quand il a fallu faire face à l’arrivée en masse de nouveaux élèves. Ce qui se manifeste encore aujourd'hui : 49 % des élèves du secondaire fréquentent une école privée. Une tradition culturelle historique.

Si l’on parle du lycée, les institutions religieuses prennent également une place considérable. Avec un très bon score de 40,3 % elles sont au-dessus de la moyenne départementale. Pour les lycées professionnels ce taux est encore plus élevé: 45 % des élèves, scolarisés dans un lycée professionnel choisissent un lycée privé. De fait, ce sont les lycées privés déjà existants qui ont ouvert des filières professionnelles quand ceux du public commençaient, eux à créer des lycées d'enseignement général.

Laurell Quiring