Le facteur "culture"

Partira ou ne partira pas ?  Alors que le surlendemain de notre arrivée, la 4ème édition du festival estival "Le voyage à Nantes" commençait, la question de l'avenir de Jean Blaise, son directeur artistique, était sur de nombreuses lèvres nantaises. Aujourd'hui discuté, "Saint Blaise" ou "Le Ministre de la culture" comme le qualifie de mauvaises langues, règne en effet quasi en maître depuis 26 ans sur la politique culturelle de la capitale des Pays de la Loire. Et sur un réseau d'intervenants que certains trouvent un peu trop... personnalisé. Qu'importe cependant, car si Nantes aujourd'hui vit et attire de nouveaux habitants et nombreux touristes, c'est bien en grande partie grâce à la politique culturelle très offensive qui y a été menée depuis 1989 dans le but notamment de répondre au déclin de l’industrie.

Aujourd'hui, cela parait banal, mais c'est à Nantes que des projets tels "la Folle journée" (24 h de musique classique gratuite en différents lieux de la cité), "les Machines de l'Ile", "Royal de luxe" ou encore... "Les Allumées" versus "Le voyage à Nantes" justement ont vu le jour pour s'exporter ensuite un peu partout dans l'hexagone voire, à l'international. La culture est ainsi devenue la marque de fabrique de Nantes.

Sur la photo ci-dessus, on peut ainsi voir la Tour Lu, qui est un symbole des anciennes usines de biscuits de la famille Lefèvre-Utile. L’entreprise LU fait partie de Kraft Foods depuis 2007. Aujourd’hui, s'y trouve un grand centre culturel dit le "Lieu unique". Un bon exemple pour le passage de l’industrie à la culture.

 

La municipalité, socialiste depuis maintenant presque 3 décennies, est considérée depuis comme le principal acteur culturel de la capitale des Pays de la Loire et de sa région. Un coup d’œil sur le budget et les dépenses de la métropole montre l’importance des activités culturelles. Un montant considérable de 60 millions est dépensé pour la culture.

Ces dépenses soutiennent bien sûr les institutions patrimoniales de la ville (Musées, bibliothèques, églises...), mais surtout sur ces fameux projets artististiques novateurs, qui, certes, "vitrines de communication", ont eu de véritables effets d'entraînement économiques et sociaux, et permis de se réapproprier la ville et son territoire extra communal (voir le parcours de L'estuaire, que nous n'avons malheureusement pas pu suivre, doublés que nous étions par d'autres voyageurs).

Les machines de l'Ile

Comme nous pouvons le lire dans son dossier de présentation "La Machine est une compagnie de théâtre de rue née en 1999 et dirigée par François Delarozière. Elle est née de la collaboration d’artistes, techniciens et décorateurs de spectacles autour de la construction d’objets de spectacle atypiques".

Son installation sur l'ancienne Ile des chantiers navals - l'Ile de Nantes - a été décidée en 2004 et réalisée en 2007, donnant par la même le coup d'envoi à toute la rénovation de ce quartier, qui même si elle est toujours en cours, est devenue un endroit alternatif, fait de logements sociaux à la pointe de l'arhitecture "durable", d'ateliers d'artistes, de pépinières de jeunes créateurs qui, installées à côté des Ecole des Beaux Arts, de Design et de Sciences Com' forment le "Quartier de la création", ainsi que de "starts up" dans des domaines aussi divers que le numérique, les biotechnologies etc....

 

Aujourd'hui, les "Machines de l'Ile" sont quasi devenues l'emblème de la ville, avec des attractions telles que le Grand Eléphant, le Carrousel des Mondes Marins ou le cheval- dragon Long Ma, qui revenait tout juste d'un long séjour en Chine...

 

Le voyage à Nantes

En 2015, le Voyage á Nantes n'en est qu'à sa quatrième édition, mais ce festival estival qui chapeaute en même temps les grands sites culturels de la ville peut déjà s’enorgueillir d’un beau bilan. L’année dernière, 540.000 visiteurs avaient fait le déplacement, générant plus de 43 millions d'euros de recettes supplémentaires. Objectif atteint donc puisqu'un des buts de la manifestation était de fixer pendant quelques jours des touristes dans la capitale des Pays de la Loire pour que, de là, ils rayonnent dans la région. Et non le contraire comme c'était le cas jusqu'à présent (les touristes s'installaient sur la côte, au Pornic, et passaient une journée à Nantes : hop le Château, hop la Cathédrale, hop L'Ile de Nantes).

Source : Ouest France

Pendant tout l'été, "le Voyage à Nantes veut donc transformer la ville, mais aussi l’image que l’on se fait d’elle. C’est une destination que les organisateurs disent "à la fois « cool et capable de surprendre elle-même » scénarisée sur 12 kilomètres autour d'une ligne verte, et présentant plus de 46 œuvres et installations artistiques souvent ludiques". Ou des évènements étonnants, comme ce concert de cuivres le soir du 3 juillet où les musiciens jouaient dans des nénuphars-barques géants, dérivant dans les fossés du Château des Ducs. Mais aussi très sérieux, comme l'exposition d'alors sur la peinture flamande du XVIIème siècle dans le même bâtiment.

 

Dans ce cadre, on attend aussi chaque année la proposition pour la place du Bouffay. Où comment un artiste choisit ou non d’occuper la place. Au sol ou en hauteur. Cette fois Baptiste Debombourg a imaginé une sorte de grand 8 comme une rampe de décollage des terrasses. Comme si les chaises- et les gens- avaient été entraînés dans ce manège qui pose question. A chacun d’y projeter son imaginaire.


Cela plait. Beaucoup. Aux touristes comme nous notamment et à certains habitants de Nantes. Car Laurent Gauchot, du journal Ouest France met en garde : " A Nantes, il y a bien des « banlieues » et des quartiers à problèmes. Malakoff, Bellevue, le Nord de Nantes… Les gens qui y habitent, sont Nantais de longue date, car il n’y a pas eu de migrations récentes à Nantes. Mais ce n’est pas à eux que s’adressent toutes les manifestations culturelles qui animent la ville, comme Le voyage à Nantes qui vient de démarrer. Le risque, c’est de devenir une ville de « bobos ».

Tahmina Ashrati