Le Mémorial de l'abolition de l'esclavage 

Quand on pense à l'esclavage, ce sont d'abord les États-Unis qui viennent en tête. Les Confédérés et la guerre civile sont des événements bien connus. Malheureusement, l’esclavage a aussi une place importante dans l’Histoire européenne et de la France. La ville de Nantes, dont le port était le plus important port négrier français au 18ème siècle, a fait un important effort pour travailler cette page sombre de son histoire.

Le mémorial de Nantes, premier a avoir été bâti en Europe, et le mémorial de Guadeloupe qui vient d’être inauguré font partie d'un vaste programme d'action, basé sur la « loi Taubira », visant à commémorer la fin de l'esclavage.

 

Un parcours mémoriel de trois heures

Pendant notre voyage à Nantes, nous avons bien sûr réservé une journée pour nous confronter avec le passé de Nantes comme premier port négrier de France. Notre parcours a commencé dans le château des ducs de Bretagne, où aujourd'hui se trouve le musée d'histoire de Nantes. Là, nous avons retrouvé notre guide qui nous a alors accompagné pendant plus de trois heures à travers les salles du Musée et la ville elle-même. Après avoir pris connaissance des faits historiques sur la traite négrière à Nantes, nous nous sommes en effet mis en route avec notre guide sur le parcours urbain qui mène du château de Nantes au Mémorial. Ce parcours, long de 1,5 kms, est ponctué de 11 haltes sur les lieux les plus significatifs liés à l'histoire de l'esclavage à Nantes. Et de traverser l’Ile Feydeau, dont toute la partie ouest est occupée par de riches immeubles en belle pierre blonde et aux balcons en fer forgé, tous construits par des armateurs engagés dans la traite. Ces derniers, qui ne connaissaient alors pas de scrupules, décoraient les façades de leurs maisons avec des « macarons », figures sculptées faisant référence à la mer et leur activité : Eole et Poséidon bien sûr, mais aussi des têtes de pirates ou même d'esclaves ! Si l’on ne sait pas exactement, combien la Traite rapporta en pièces sonnantes et trébuchantes dans l’enrichissement de Nantes, ces bâtisses parlent d’elles-mêmes !

Finalement, nous arrivons à notre dernière station: le Mémorial de l'abolition de l'esclavage. Sur le Quai de la Fosse, en face du nouveau Palais de la Justice et à côté du Pont Victor Schoelcher, à qui l’on doit l’abolition de l’esclavage en France en 1848, notre visite du Mémorial commence. Avant d'arriver au mémorial proprement dit, nous marchons sur une esplanade piétonne incrustée de 2000 plaques commémoratives. 1710 plaques rappellent les dates de départ des expéditions et les noms des bateaux. Souvent les noms des femmes des amateurs, mais aussi des noms qui faisaient seulement référence aux expériences de l'armateur comme L'espoir, et qui sont d'un point de vue actuel parfaitement cynique. 280 autres plaques sont aussi consacrées à des lieux, comme des comptoirs ou ports importants dans la traite négrière.

L'esplanade mène au Mémorial, qui est situé en sous-terrain. Les visiteurs ne sont pas obligés de payer un droit d’entrée ou même de passer une « porte ». Le Mémorial est construit comme un espace ouvert et seulement fermé la nuit.

En entrant dans le Mémorial par les escaliers, on se trouve tout de suite confronté au mot "liberté", écrit en plusieurs langues et à la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Le Mémorial est construit comme un long corridor. Une partie est consacrée aux esclavages modernes. La ville veut prendre la responsabilité de son passé, mais aussi rappeler que l'esclavage malheureusement persiste de nos jours.

Le mémorial a été construit par Krzysztof Wodiczko et l'architecte Julian Bonder. L'artiste polonais Wodiczko a voulu créer un parcours méditatif. C'est une réussite: Le Mémorial n'est pas un lieu qui apporte surtout des informations, mais un lieu qui provoque des sentiments et sensations. Tout au long du « couloir », le visiteur est confronté à des citations de l’époque de l’esclavage. On y trouve Aimé Césaire mais aussi l’Abbé Grégoire, ce prêtre catholique qui lutta pour l'abolition de l'esclavage. De l'autre côté du couloir, l'eau coule. C'est la Loire, qui a joué un rôle si important dans ce drame de l’humanité. Le passage souterrain fait allusion aux navires négriers: les esclaves passaient la plupart du temps de leur voyage dans le souterrain du bateau, soit dans un espace très limité.

Le passage finit dans une petite salle où on trouve un résumé de l'histoire de l'esclavage. Les sensations pendant la visite sont renforcées par l'acoustique. On entend Martin Luther King qui parle de son "Dream". On peut écouter des chansons d'esclaves, qui ont essayé de se soulager un peu de leur peine en chantant. Et on entend Abraham Lincoln, qui lit sa "declaration of freedom".


Julia Schiltenwolf